Avec l’exposition Jack London, dans les mers du Sud, La vieille charité se concentre sur le périple de l’écrivain américain dans l’exploration des îles du Sud du Pacifique, entre 1907 à 1909. C’est l’occasion pour le visiteur, de découvrir, sur les traces de Jack London, des cultures riches et encore peu connues aujourd’hui de ce côté-ci du monde, Iles Marquises, îles Hawaï, Iles Salomon, Vanuetu (Nouvelles Hébrides), Fidji, Tahiti, Moorea, Raiatea, Bora Bora ou la sauvage Mélanésie, à l’époque cannibale…-. A travers des documents photographiques exceptionnels, pris par Jack London ou ses équipiers, qui constituent des témoignages uniques ethnographique de ces peuples des îles du Sud Pacifique. On pourra également explorer la richesse et la diversité des cultures, où les artistes créaient avec les seuls éléments récupérés dans la nature, des œuvres d’art d’exception.
Et c’est aussi l’occasion d’explorer la vie, l’œuvre et la personnalité attachante de Jack London, fils des classes américaines laborieuses, écrivain engagé, et aventurier, qui décède, à l’âge de 40 ans. Un exposition à voir jusqu’au 13 janvier.
Jack London
« J’aimerais mieux être un météore superbe, et que chacun de mes atomes brille d’un magnifique éclat, plutôt qu’une planète endormie.
La fonction propre de l’homme est de vivre, non d’exister. Je ne perdrai pas mes jours à essayer de prolonger ma vie. Je veux brûler tout mon temps… » écrivait Jack London. La comète Jack London a effectivement brillé très fort et peu longtemps.
Barque tahitienne
En 1907, Jack London, son épouse Charmian et un équipage d’amateurs, embarquent à Oakland, Californie, à bord du Snark, un voilier de 17,5 mètres spécialement conçu pour cette aventure. L’écrivain part aussi sur les traces de ses héros, Robert Louis Stevenson, l’auteur de l’Ile au Trésor et Herman Melville, auteur de Moby Dick, qui ont, avant lui, navigué dans cette région du monde. Avec ses récits et des photographies, Jack London rapportera de cette expédition des objets ethnographiques qu’il conserve dans son ranch à Glen Ellen, en Californie. Ce périple lui inspirera Les Contes des mers du sud, La Croisière du Snark, Fils du soleil …
Jack London, l’auteur de « l’Appel de la forêt », a déjà plusieurs vies derrière lui, quand il commence son périple. Après une enfance misérable dans le ranch de son beau-père, il commence une vie d’errance à quinze ans. Il exerce ensuite de nombreux métiers pour survivre : balayeur de jardins publics, menuisier, agriculteur, éleveur de poulets, pilleur d’huîtres, patrouilleur maritime5, blanchisseur, chercheur d’or au Klondike. Il a vécu ses jeunes années, auprès des pirates de la Baie de San Francisco ou des chasseurs de phoques en mer de Béring. Il se lance dans un premier voyage, de 4000 km sans escale, dans l’Océan Pacifique pour rejoindre Hawaï. « Tous doivent endurer de terribles tempêtes, révélant implacablement les défauts de construction du voilier et le manque de préparation de l’équipage. »
Jack London et sa femme sur le Snark
Art des Fidji, écorce végétale, pigments
Guerrier fidjien,1907
Village dans les Iles Salomon
Il séjourne longuement aux iles Hawaï. Puis le Snark met le cap vers les Marquises et à Nuku Hiva où Jack et son épouse explorent à cheval la vallée de Taïpi, qu’Hermann Melville a relaté dans son roman Taïpi. Ils se rendent à Samoa où est enterré Stevenson.
Dans les îles « de la Société », Tahiti, Moorea, Raiatea, Bora Bora…, les London rencontrent Tehei, un pêcheur polynésien qui leur apprend à pêcher sur une pirogue à balancier et qui décide de les accompagner pour le reste du voyage…
Ile de Lépreux
Depuis la fin du XIXème siècle, les Lépreux sont regroupés sur l’Ile de Molokai, non loin d’Hawaï. En 1907, l’Ile abrite 800 lépreux, Jack London se rend sur place pour écrire un article pour faire évoluer le regard sur cette maladie. Il prendra aussi des photos.
Lépreux de l’Ile de Molokai ; photographié par Jack London, 1907
Homme des îles Salomon en costume traditionnel
Esclavagisme en Mélanésie et aux Iles Salomon
L’équipage se rend, ensuite en Mélanésie, plus reculée, plus sauvage, « dont la réputation cannibale des populations exerce à l’époque fascination et effroi sur le public occidental ».
Ils accostent aux Fidji, aux Nouvelles-Hébrides (Vanuatu) et enfin aux îles Salomon. Invités aux danses et cérémonies traditionnelles, ils sont aussi les témoins de l’inégalité qui y règne, entre les planteurs et les populations locales, littéralement réduites en esclavage et déplacées d’île en île…Ils découvrent le phénomène des « blackbirders », des aventuriers qui naviguent d’île en île sur des goélettes pour recruter de la main d’œuvre pour les plantations. Mais ils emmènent souvent de force les populations loin de leur terre pour la effectuer la récolte de la canne à sucre ou de la noix de coco. Ce phénomène, très répandu au XIXème siècle en Océanie vit au début XXème ses dernières heures. Mais les London en seront témoins.
Bateau recruteur d’esclave, Mélanésie. 1907
En août 1908, Jack et Charmian London embarquent sur un de ces « bateaux-négriers », le Minota et assistent à une campagne de recrutement dans la région de Malata. Les photos témoignages de ces abus, prises par le couple, sont précieuses. Ces photos de Mélanésiens à bord du bateau-recruteur Eugénie, avec les rangées de fils barbelés, pris en 1908 résonnent étrangement dans notre actualité…
Population de Mélanésie,1908
Dans les îles Salomon, l’équipage du Snark est rattrapé par des problèmes de santé. Jack, lui-même gravement atteint, comprend qu’il n’a plus d’autre choix que de mettre un terme à sa croisière autour du monde.
Martin Johnson, le cuisinier du Snark devenu cinéaste, transforme les populations des îles en « monstres de foires »
On pourra également découvrir, avec un certain malaise, à la fin de l’exposition, des photos et films de Martin Johnson. Ce personnage fut d’abord cuisinier, puis mécanicien à bord du Snark. Dix ans après cette expérience, devenu cinéaste, il revient aux îles Salomon et aux Nouvelles-Hébrides (Vanuatu) avec une caméra, pour réaliser les premiers films. De larges extraits de ceux-ci sont projetés dans l’exposition. Avec des photos, et des affiches de spectacles souvent racoleuses, sachant que Martin Johnson avait décidé de gagner sa vie, en mettant en scène ses aventures dans ces îles. Il créait des spectacles, avec récits et photos, et surtout commentaires et avait tendance à faire de ces populations des monstres de foires….Ce que n’a jamais fait Jack London. Cette partie attribuée à Martin Johnson est l’un des bémols d’une exposition, par ailleurs très instructive….